Ma Tecnique avec les Mains et le Geste Essentiel
Le pinceau ou mes doigts doivent suivre l’émotion et l’idée, non pas le calcul. Ils doivent être guidés par mon imagination. Presque tous mes tableaux ou dessins sont inachevés parce que l’élan est toujours inachevé, il cesse pour panne de courant ou retour à la réalité, je ne le sais pas !
Je suis plus libre dans les dessins sur papier que dans mes tableaux au support rigide, plus le support est simple et délicat plus le dessin se révèle libre. Je ne veux pas m’appliquer ou me soumettre aux règles.
Mes premières sources d’inspiration ont été la peinture rupestre et le suprématisme de Malevic. J’y perçois l’essentialité, la synthèse. L’esquisse suit plus l’appréhension tactile que visuelle. Le dessin n’est pas compris comme une projection visuelle d’une forme sur un support, mais donne au contraire une appréhension manuelle, trace d’une palpation presque aveugle, qui joue de très près avec la réalité palpable.
Cela explique le mystérieux réalisme des effigies animales dans les peintures rupestres. Ces artistes ont réussi à perpétuer intacte la silhouette, le volume et l’essentiel. En effet le tracé de la main qui reproduit le contour de l’animal dérive plus d’un calque, d’une caresse imaginaire plus qu’une projection visuelle. Dans l’art rupestre, ils dessinaient leurs mains en vaporisant la couleur par bouche. Les peuples nomades dessinaient leurs corps avec des tatouages.
La sensibilité tactile, olfactive, gustative était de grande importance, elle venait même avant la vue, l’ouïe comme fonctions cognitives de la distance. Les premiers artistes qui peignèrent su une surface lisse remontent à la période gréco-romaine alors que la toile apparut seulement à la Renaissance. Peindre avec les mains signifie ne pas perdre le fil conducteur qui passe de l’esprit à la toile. L’instantanéité de l’œuvre qui implique l’urgence d’exécution est facilitée par cette technique. En plus le fait de mélanger les couleurs directement sur le support avec de petits cercles et sans faire le mélange auparavant sur la palette, consent un éventail de nuances chromatiques bien plus ample que s’ils étaient peints avec un pinceau.
Ce besoin de peindre avec les doigts vient de mon côté pratique et du geste rapide. C’est un geste essentiel qui caractérise ma personne mais qui représente aussi le plaisir physique de toucher la matière. J’aime les silhouettes essentielles, dépouillées, j’aime la pureté du signe, le rythme de la ligne. J’aime la gestualité dans l’acte pictural. La baguette du directeur d’orchestre est comme le prolongement de son bras, qui l’élance mais qui n’a pas un rôle précis. Le pinceau de l’artiste par contre sert à étendre la couleur, c’est un vrai outil qui le sépare de la toile. Je préfère ne pas avoir de barrière et me lancer corps et âme dans mon tableau.
Je commence souvent avec un crayon noir mais très souvent aussi je commence directement avec la couleur, comme s’il y avait une urgence irréfrénable de peindre. J’ai déjà dit que la ligne a une seule vie et est irrépétible. Trois genres de ligne caractérisent les premiers tableaux que j’ai faits: une avec le crayon noir à cire, une faite seulement de couleurs et une dernière faite avec le pinceau comme pour découper les silhouettes. J’ai employé cette technique au début de mon travail quand je dessinais presqu’exclusivement des personnages en files. Le pinceau et la couleur acrylique découpe comme un ciseau et ne sert que pour le fond.
Je ne pense jamais à m’appliquer mais à me désaltérer et à rejoindre un résultat qui corresponde à l’harmonie du moment. Je suis très rapide dans la réalisation, le tableau souvent à l’air d’être
inachevé mais c’est dans mon caractère déjà que je ne finis rien, je reste à l’harmonie, à l’essentiel, au coup d’œil rapide. Le tableau doit correspondre à une idée esthétique profonde et finit à l’imprévu.
Généralement je ne signe pas mes tableaux. Une fois faits je les empile et les oublie comme on tourne la page d’un livre. La peinture pour moi est loin d’être un travail, c’est un besoin viscéral. Je ne sais pas me gérer dans le marché de l’art, je donne facilement mes tableaux. Mon atelier est peuplé d’images, de fantasmes, de rêves, batailles vaincues ou perdues alors que quand je suis parmi la foule je sens le vide, le froid.
Le seul vrai but que je ressens est de rejoindre et non de finir mais de rejoindre mon but parce que le moteur de l’art est la recherche continue.