Cesare Lombroso
L’idée que l’on a aujourd’hui du génie, représentant les capacités humaines les plus extraordinaires, comme la créativité et l’originalité, s’imposera essentiellement dans le 18 ème siècle.
Personne d’autre que Cesare Lombroso a mieux contribué à former le concept populaire du génie artistique. Il fut sans aucun doute le représentant du XVIII IIème siècle sur la théorie pathologique du génie. “L’excessive sensibilité, douce et parfois perverse, l’exagération des deux “états alternes, d’hypersensibilité et d’atonie, de zèle et de dépression” caractérisent le génie et s’approche de la folie. Le génie dit-il n’est pas toujours une aliénation mais un excessif déséquilibre de l’activité cérébrale et de la sensibilité qui frôle la folie.
La folie a été le moteur de l’histoire de hier et d’aujourd’hui. Si le génie n’était que folie comment explique t-on que Napoléon bipolaire ne donnât pas le moindre signe de folie.
Chez les artistes le génie crée par devoir et non par volonté. “Je ne pense pas, ce sont mes idées qui pensent pour moi. » disait Lamartine. Créer étai pour lui un instinct irréfrénable qui le poussait vers l’acte créateur. Mais le caractère plus singulier de la folie des “géniaux” peut varier entre génie et dépression même chez les personnes les plus saines. L’homme de génie est souvent bizarre dans sa conduite, souvent en désordre, beaucoup le considèrent comme affligé d’une grave maladie. Les excès intellectuels, passions, abus des sens, des ambitions ou de l’amour apparaissent souvent chez les artistes, comme l’abus d’alcool et de drogues. Mais malgré tout le génie ressemble à l’intelligence.
Cesare Lombroso invente le concept de génie créateur comme une variante de l’aliénation mentale. Il écrivit Genio e Follia, l’Homme et le Génie.
Vers 1890 Cesare Lombroso entreprit une collection d’œuvres des aliénés: dessins, peintures, meubles, sculptures qui furent récoltés dans le musée anthropologique de Turin.
L’urgence dans la folie, les capacités inventives (qui n’avaient pas été prouvées avant) pousseront le neurologue anglais John Hughling Jackson à tenter d’expliquer, non pas le caractère pathologique du génie, mais bien le contraire que la folie peut se révéler souvent créatrice. La folie ne fait pas le génie mais elle le dérange. Le génie n’est pas le produit d’un esprit malade. Dans quelques cas exceptionnels où les deux éléments subsistent, le génie représente un reste de santé que nous devons considérer comme un élément conservateur en lutte contre les démons de la maladie.
A la fin du XIX ème siècle quand l’aventure impressionniste avance et pendant que les marginaux et solitaires comme Van Gogh et Gauguin se réfugient le premier dans la folie mystique, le second dans l’exotisme de Pont Aven puis Tahiti, l’importance de l’Art Brut poursuit son chemin en France et en Allemagne. C’est une phase clinique où la production des malades est considérée simplement comme du matériel diagnostique qui sert à préciser les catégories des malades mentaux.
En France ce sont justement les textes des malades mentaux qui attirent l’attention. Seulement en 1872, dans son livre “étude médico-légale sur la folie”, Ambroise Auguste Tardieu analyse le cas de deux dessinateurs et fournit des explications données par les artistes mêmes. Très vite Paul Max Simon, psychiatre français, s’intéresse aux hallucinations et aux rêves.
Dans son livre “l’Imagination dans la folie”, Simon adopte un point de vue strictement descriptif et scientifique mais il a le mérite de traiter la production des malades mentaux avec respect et objectivité, surtout de ceux qui manifestent des qualités artistiques avant d’avoir été internés.
C’est seulement en 1907, année des Demoiselles d’Avignon que sort le livre “L’Art chez les fous” de Marcel Réja. La première exposition publique européenne de l’art psychotique a eu lieu en 1900.
Réja étudia de nombreux cas mais aucun vraiment digne d’attention. Dans les pays de langue allemande par contre ce sont les artistes qui eux les premiers s’intéressent à l’Art Brut.
Max Ernst, encore étudiant, découvrit la collection des hôpitaux psychiatriques qui le fascinait, Kandinsky et Franz Marc exposèrent des tableaux de malades mentaux à coté de leurs tableaux. En Suisse, c’est Klee qui fait le pivot entre l’art des malades mentaux et l’art traditionnel.
Vers 1912 Paul Klee rencontre à Bale le psychiatre Walter Morgenthaler de la clinique de Waldau qui s’intéresse à un cas exceptionnel: Adolf Wölfli. Ce médecin observa pendant 11 ans ce cas et publiera un livre sur lui “L’Artiste fou”, le premier cas de malade mental considéré comme un artiste e qui deviendra pour Dubuffet l’artiste de l’Art Brut par excellence.